En français s'il vous plait!

De Fräie Mikro vum Danielle Igniti ass dësen Dënschdeg op Franséisch – eng Reaktioun op d’Resultat iwwer d’Awunnerwahlrecht beim Referendum.
Aujourd’hui ma tribune libre est en français par réaction à la violente polémique linguistique qui inonde les réseaux sociaux depuis le referendum. Selon certains, malheureusement très nombreux, les Luxembourgeois seraient confrontés dans tous les commerces où ils font leurs courses à un laconique : « En français s’il vous plait ! » Je ne sais pas dans quels magasins ils vont, car moi j’entends très souvent : « Je ne parle malheureusement pas le luxembourgeois ! » ou même : « Je ne parle pas encore très bien le luxembourgeois ! » Mais je suppose que tout le monde entend ce qu’il veut bien entendre ! Et tout ce joli monde feint de ne pas remarquer, qu’il s’attaque aux plus faibles, aux vendeuses, serveuses et autres bosseuses à petits salaires, à tâches peu valorisantes et horaires irréguliers. Alors ceux qui se prélassent, pour une grande partie, dans la fonction publique avec des garanties de traitements et de retraites plus que confortables et des horaires très mobiles, devraient faire preuve d’un peu plus de compréhension.
La deuxième raison est que je tiens à m’excuser auprès des non-luxembourgeois pour l’affront qu’ils ont subi dimanche dernier par ce vote massif contre leur participation démocratique à la chose publique luxembourgeoise. Entendons-nous bien ! J’accepte bien-sûr que les Luxembourgeois estiment et décident que le vote doit rester lié à la nationalité. Je ne m’attendais pas à un résultat positif ! Plus ou moins 58% de non était envisageable, vu la piètre mobilisation du gouvernement, les personnalités luxembourgeoises absentes dans le débat, les positions syndicales tiédasses et le double jeu du plus grand parti du pays, faisant preuve de très peu de bon sens politique pour l’occasion. Mais 80% ! Là il ne s’agit plus d’un vote d’opinion, mais de l’expression de méfiance, de haine ordinaire et de méchanceté. Ce vote renie aux non - luxembourgeois le droit de vivre ici en intelligence avec les autochtones, il leur signale qu’ils ne sont tolérés que pour leur plus-value économique. Je parle français aujourd’hui pour marquer ma solidarité avec les personnes que j’ai entendu intervenir ici à l’antenne en français, allemand, anglais pour parler de leur engagement citoyen au Luxembourg et pour le Luxembourg, dans le cadre de leurs activités, souvent bénévoles, dans la vie associative et culturelle, à l’université et la recherche.
La troisième raison pour laquelle j’ai choisi de faire mon commentaire dans une langue étrangère, c’est que ce n’est pas une langue étrangère. C’est une des langues du pays dans laquelle sont rédigés les lois, les arrêtés et jugements, les traités et conventions. Les langues du pouvoir sont aujourd’hui le français et demain l’anglais.
Ceux qui prétendent défendre leurs compatriotes cherchent uniquement à préserver leurs propres intérêts. Ils les soutiennent dans leurs délires nationalistes pour mieux les écarter du pouvoir, ils feront d’eux des parias qui n’auront accès ni au savoir, ni à l’information, ni aux instances de décision.
Permettez-moi de vous dire, chers compatriotes, que le repli identitaire, le manque de générosité, le complexe d’infériorité et la mesquinerie linguistique ne feront pas d’un petit peuple une grande nation !