Opération Séduction
C'est avec un beau bouquet de roses à la main que Vladimir Poutine a débarqué, il y a quatre jours, pour une visite officielle de travail au Fort de Brégançon, où le couple présidentiel français prenait ses quartiers d'été et avait accueilli l'an dernier le Grand-Duc. Une après-midi et un diner ont suffit pour tenter de renforcer l'amitié franco-russe et amorcer un dégel sur les questions épineuses qui séparent les deux dirigeants.
Entre piques et évocation "fleuvesque" des crises internationales, le but de la visite avait surtout pour vocation de préparer le G7 prochain auquel la Russie n'est plus invitée depuis son exclusion, il y a cinq ans après son annexion de la Crimée.
Revue des crises mondiales et gilets jaunes
Les deux présidents ne s'étaient pas rencontrés depuis 2017 à Versailles, où les questions épineuses du sort des homosexuels en Tchétchénie et de la liberté de la presse avait été au centre des débats. Entre le deux chefs d'état, on sait le style fortement différent: D'un côté, l'enthousiasme de Macron, cherchant à se poser en porte drapeau d'une Europe affaiblie par la crise anglaise et la fin de carrière d'Angela Merkel. De l'autre la morgue et l'autoritarisme habituel de Poutine.
Le bal diplomatique fut ouvert par le président français avant d'évoquer les sujets fâcheux. "La Russie est européenne, il faut rétablir un système de confiance avec elle": Ce sont par ses mots qu'Emmanuel Macron a cherché à se rapprocher de son homologue russe dont l'attitude oscillait entre provocation bien sentie et mine impassible.
En fin de journée, assis côte à côte, les deux hommes se sont prêtés à une conférence de presse de plus de 45 minutes, sans rien lâcher sur les sujets qui les séparent, quitte à exprimer ouvertement leur désaccord devant les caméras du monde entier. La question des libertés individuelles a été évoquée par Emmanuel Macron sans tabous devant un Poutine, qui assume un exercice du pouvoir sans états d'âme pour les conventions internationales.
La journée s'est déroulée, sans accroc diplomatique. Les questions ukrainiennes et syriennes, malgré une ouverture prudente au dialogue du président russe pour la première et un refus de négociation sur la seconde, ont été évoquées. Le consensus fut un peu plus gagnant sur le débat du nucléaire iranien et le dérèglement climatique.
Sensibilisé par le Président français aux manifestations démocratiques, violemment réprimées, Poutine a répondu ne pas vouloir faire face à des débordements comme la crise des gilets jaunes auxquels Monsieur Macron est habitué depuis des mois.
Un possible retour dans le "G 8"
Loin d'une visite de vacances ou d'une discussion informelle, cette visite avait pour but réel de tâter le terrain pour un retour senti de la Russie dans le G8, dont Donald Trump s'est déclaré enthousiaste dans un discours mardi 20 août. Macron souhaiterait qu'il soit effectif, mais avec des pincettes, même s'il est important que la Russie à terme puisse rejoindre le G8.
La violente invasion de la Crimée en 2014 est encore dans les esprits et l'exclusion de la Russie du G8 devenu G7 pas encore consommée. Pour le Président français, même si "le divorce a été acté au moment de l'invasion de l'Ukraine, la condition préalable indispensable est qu'une solution soit trouvée en lien avec l'Ukraine."
À deux jours du G7 organisé à Biarritz, la Russie, pourtant absente, est sur toutes les lèvres. Les relations franco-russes ont rendez-vous en mai 2020 pour les célébrations du 75ème anniversaire de la Victoire sur l'Allemagne nazie. Ce sera cette fois à domicile pour Poutine. En attendant, le G7 apprête à être mouvementé pour le Président français avec ou sans son invité russe.