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Trafic aérien

Pourquoi le ciel européen atteint ses limites

En cette période estivale, les passagers européens sont confrontés à des retards de vols et des annulations en cascade. En cause, des grèves à répétition, des pannes informatiques inédites comme celle qui a provoqué la fermeture de l'espace aérien belge jeudi 19 juillet ou d'importantes perturbations climatiques. Mais ces retards sont surtout le signe que le ciel européen arrive aux limites de ses capacités.

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4 min

Les contrôleurs aériens belges sont débordés. En cette période estivale, près de 4000 avions passent chaque jour sous les radars de Belgocontrol, le gestionnaire belge du trafic aérien. Installés dans la vigie, en face d'une vue panoramique, ces aiguilleurs du ciel surveillent 24/24h et 7/7 les avions qui survolent le Royaume et une partie du Luxembourg. "Nous gérons tous les flux aériens dont une partie de l'espace luxembourgeois entre 4.500 mètres et 8.000 mètres" explique le porte-parole de Belgocontrol, Alain Kniebs. "Tout ce qui se situe en dessous est géré par les contrôleurs luxembourgeois. Et "au-delà de 8.000 mètres, l'espace aérien est géré par le centre d'Eurocontrol au Pays-Bas".

Une hausse du trafic aérien de trois pourcent par an

La mission première de ces contrôleurs est d'assurer la sécurité des passagers et de maintenir une distance de neuf kilomètres entre les avions. Une mission qu'ils remplissent parfaitement. Le ciel européen est en effet considéré comme le plus sûr du monde.

Mais les contrôleurs aériens ont aussi une autre mission: celle d'éviter les embouteillages qui provoquent des retards et ont un impact sur les compagnies aériennes, les passagers et l'environnement. Aujourd'hui, cette mission est devenue pratiquement impossible à remplir. Même si l'autorité belge se démarque. "Belgocontrol a des prestations remarquables. En 2017, le retard moyen par vol était de 5,4 s par vol. C'est très faible par rapport à la moyenne en Europe" relativise Alain Kniebs.

Car depuis le début de l'année, le ciel européen enregistre un retard de près de quatre millions de minutes. Résultat, cet été, un vol sur cinq est en retard, c'est le double de l'année dernière. Les raisons de ces retards successifs sont multiples: fortes perturbations climatiques, grèves des contrôleurs aériens français ou encore pannes informatiques des logiciels de contrôle. Mais l'une d'entre elles revient chez tous les professionnels du secteur: la hausse constante du trafic aérien. Elle est aujourd'hui de trois pourcent par an et pose un vrai problème capacitaire aux professionnels du secteur.

Bataille rangée entre contrôleurs et compagnies aériennes

Or la solution pour décongestionner le trafic divise toujours les aiguilleurs du ciel et leurs clients, les compagnies aériennes. Ce sont elles qui financent ce service public en versant une taxe d'une cinquantaine d'euros à chaque survol long de cent kilomètres. "Le problème est structurel", explique ainsi Chris Goater, qui représente l'association internationale du transport aérien, l'IATA qui regroupe 290 compagnies dont Cargolux, Air France et Brussels Airlines. Il en veut pour preuve l'aéroport de Londres Heathrow "qui est obligé de garder au sol des avions pour gérer les arrivées".

Selon lui, la solution se trouve dans la mise à jour du ciel unique européen, une législation bloquée depuis cinq ans dans les couloirs du conseil de l'Union Européenne. "Ce qui pose problème en Europe c'est que vous avez chaque pays avec sa propre organisation du contrôle aérien et ils ont chacun des priorités différentes. Ce qui veut dire que ces retards seraient évitables si nous planifions l'ensemble au niveau européen", estime le représentant des compagnies aériennes.

Cette législation vise à européaniser la structure du contrôle aérien en réduisant drastiquement le nombre de centres. Elle doit aussi permettre un suivi continuel de la gestion du trafic en Europe.

Un ciel unique européen dans l'impasse

L'Eurodéputé roumain Marian Marinescu est le rapporteur de cette législation au Parlement. Il prend le parti des compagnies aériennes et dénonce le lobby des contrôleurs aériens auprès des 28. "Il y a des États-membres qui ne veulent pas progresser mais simplement garder le pouvoir dans leur pays", s'insurge-t-il. "Ils ont peur que si le ciel unique européen progresse, il serait normal, et ça l'ait, que certains des centres de contrôles disparaissent car les nouvelles technologies permettent de gérer un espace aérien d'un seul centre de contrôle ".

Selon lui, il suffit de faire les comptes. Le ciel européen dispose de 65 centres de contrôle pour 28 agences nationales. C'est plus que les Etats-Unis. Mais les contrôleurs aériens, soutenus par les pays européens, trainent des quatre fers. S'ils acceptent une meilleure coordination entre les centres, les contrôleurs veulent davantage de personnel pour se charger de l'augmentation du trafic. Depuis la crise financière, le secteur estime avoir été mis à la diète par les autorités européennes. Depuis 2015, Belgocontrol a repris les recrutements.

Et l'argument de l'emploi fait mouche. Il n'est pas question pour des pays européens de lâcher un service public et un vivier d'emploi qui fonctionne, avec des bénéfices qui s'élèvent à près de neuf pourcent cette année. Face à ce blocage politique qui dure, le député Marian Marinescu voudrait que la Commission prenne les choses en main et impose une des mesures les plus controversées de ce paquet législatif: faire en sorte qu'un pays prenne le relai de la gestion de l'espace aérien d'un autre pays, lors d'une interruption de trafic comme des grèves notamment.

Car Marian Marinescu en est certain. Si le secteur continue à ce rythme et que rien n'est fait, l'ensemble du trafic européen se retrouvera bloqué d'ici trois ans.